mardi 5 juillet 2011

Cadences nocturnes d'un retour à la montagne

Phares, gyrophares et loupiottes s’agitent dans l’obscurité striée par une pluie vigoureuse. Le troupeau se répand sur la route luisante. Les brebis marchent obstinément, comme mues par une conviction, comme si elles étaient appelées. Mais l’avancée reste lente. Il faut s’y plier, il faut adopter leur rythme. Juste dissuader celles qui tentent une halte dans l’herbe désirable des talus. Coincées dans le flot compact de laine mouillée, les chèvres s’impatientent. L’âne reste placide, si possible en léger retrait de ce bas peuple.
Les gens s’avertissent : « Voiture ! » Il faut faire serrer les bêtes. C’est pour cela que c’est la nuit. C’est pour cela qu’on est dix-sept.
Dans les villages, les chèvres jaillissent soudainement de la masse et se ruent sur les jardinières. Elles grimpent éperdument les unes sur les autres pour atteindre les rosiers grimpants. Les volets s’ouvrent. Les propriétaires floraux rouspètent. Les autres s’émerveillent encore... Quelle émotion ancestrale la transhumance remue-t-elle en nous ? Peut-être une empreinte de notre évolution humaine liée aux bêtes, peut-être un appel d’espaces et de renouveau…
La marche continue dans une bulle de chaleur animale odorante sous la pluie glacée. Au fil des heures, nous glissons dans un état hypnotique, bercés par la lenteur de la progression et par les harmonies des sonnailles que le berger s’offre et offre au monde pour de modestes et magistraux festivals quotidiens. En même temps, les percussions rythmées des cloches nous portent, comme portent les tambours. Pour traverser la nuit et la vallée jusqu’aux pâtures du printemps…


Elisabeth JOANTAUZY - Oloron-Sainte-Marie

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