mardi 5 juillet 2011

Une touffe de laine

En arrivant à l’estive, mes yeux tombent sur une touffe de laine de brebis agrippée à un tapis vert un peu épineux.

Je me penche et ramasse cette touffe comme un trésor. Alors remonte à ma mémoire un épisode d’une marche longue et pénible où j’avais dû encourager Mathilde qui souffrait d’ampoules écorchées aux deux pieds.

Le soir, à l’étape, après la douche, Mathilde clopina jusqu’au dortoir et se laissa tomber sur son lit découragée à l’idée que le lendemain il faudrait repartir. John qui passait par là vit l’état lamentable de ses pieds écorchés profondément.

• Je vais te soigner, dit-il. Attends une seconde.

Il alla chercher une petite trousse contenant des ciseaux, du sparadrap et un plastic transparent renfermant de la laine de mouton. Il en sortir quelques effilochures qu’il arrangea en un petit tampon, le tâtant pour bien en répartir l’épaisseur et s’assurer surtout qu’il ne contenait aucune fibre un peu plus rugueuse qui pourrait être blessante.

Il installa trois pansements sur les trois plaies, les amarrant solidement à l’aide du sparadrap, tout en expliquant à Mathilde :

• Tu vas sentir un soulagement. Surtout ne les enlève pas. La lanoline contenue dans la laine va accélérer la cicatrisation de tes plaies.

Tandis qu’il lui parlait, je remarquai qu’il lui caressait doucement les chevilles en remontant légèrement vers les genoux. Je m’esquivai. Il se passait quelque chose qui allait bien au-delà du soin.

Mathilde se reposa un moment. Lorsqu’elle me rejoignit au bar, les pieds bardés de pansements, son regard brillait d’un éclat que je ne connaissais pas et dont il brille encore aujourd’hui quand elle est contre John.

Lorsque dans un pré je trouve une petite touffe de laine de brebis ou de mouton, ces merveilleux instants s’emparent de ma mémoire. Alors je ne peux m’empêcher de ramasser cette laine et de la prendre au creux de ma main comme un talisman dont j’attends peut-être encore quelque chose.


Franz Gebrig Bordères

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